La vitesse, mais également l’accélération, sont devenues des qualités primordiales chez un footballeur. La capacité à impulser fort sur les premiers mètres est en effet un facteur essentiel de la performance dans l’évolution de la discipline, quel que soit le niveau. Cette explosivité peut être travaillée sous différentes formes. L’une d’elles consiste à réaliser des courses tractées, avec un « chariot » ! Nous avons demandé à Emmanuel Vallance, préparateur physique professionnel (ex-Luxembourg, Metz, Nice, Sochaux, Gazélec Ajaccio), de nous en dire un peu plus sur cette méthode souvent jugée (à tort ?) élitiste par les entraîneurs.
On voit relativement peu de travail de courses avec chariots, en club, y compris au haut niveau. Comment l’expliquer ?
Effectivement, moi-même je n’utilisais pas ou peu cette forme de travail. C’est lié, je pense, à plusieurs choses. D’abord le fait d’avoir une charge positionnée en lien direct avec le dos du joueur (vitesse tractée), qui peut être un frein psychologique pour l’athlète et l’entraîneur. Et puis la difficulté de savoir quelle charge mettre en place exactement sur le chariot pour travailler de façon optimale.
Quel est l’intérêt de ces courses tractées, l’objectif recherché ?
Recruter plus de fibres musculaires, développer la production de force transmise au sol, et amplifier la stimulation neuromusculaire. Grâce à ces différents aspects, on accentue le travail de démarrage, ce qui permet de renforcer la phase de propulsion du joueur. La poussée horizontale est primordiale dans le travail d’accélération. Bref, l’idée principale est d’orienter la force vers l’avant. Enfin, toujours en ce qui concerne l’intérêt d’un tel entraînement, je dirais qu’il y a aussi un aspect ludique non négligeable, qui encourage la compétition entre les joueurs, à qui va tracter la charge le plus vite possible…
Quelle est la valeur ajoutée par rapport à un travail de sprint en côte, par exemple ?
Le sprint en côte permet de cibler plus particulièrement le bas du corps : la chaîne des extenseurs (fessiers quadriceps, mollets) même si le haut du corps n’est pas négligé, car il va falloir amener plus de stabilisation et de qualité de gainage en fonction du pourcentage de la pente. On est davantage sur un travail qui concerne la phase de démarrage, l’explosivité. Avec un chariot, on améliorera principalement le recrutement des fibres rapides et la synchronisation des unités motrices donc un gain de force au niveau du bas du corps.
Le principe de course avec « parachute » ou « élastique » est-il le même qu’avec un chariot ? Oui, nous sommes toujours sur le travail de la composante vitesse.
Par contre, avec le parachute et à la différence du chariot, vous ne pourrez-pas varier de façon précise la charge soumise à l’athlète. Cependant, son mouvement instable va intervenir de façon soutenue sur la stabilité du joueur pendant sa course, donc améliorer son gainage et sa stabilité articulaire. Pour l’élastique de survitesse, il permettra quant à lui d’appliquer la charge progressivement pendant la course.
Que dit la littérature scientifique au sujet de ces courses avec résistance (chariot, parachute, élastique…) ?
J’ai principalement relevé deux études concernant l’utilisation du chariot lesté, lesquelles ont démontré, par exemple, que pour travailler de façon optimale à l’aide de chariot, avec l’objectif de gagner en qualité d’explosivité, il fallait le faire à 10% du poids de corps à +/- 2%. Ces deux études nous donnent également quelques pistes concernant les protocoles de travail (voir par ailleurs, ndlr).
Est-ce envisageable, pour un club amateur, d’acquérir ce matériel ? Y voyez-vous un intérêt ?
Bien sûr, pourquoi pas ? Cela permet de faire varier les formes d’entraînement, les joueurs y sont sensibles, et d’obtenir de bons résultats dès lors que le travail est réalisé correctement et bien encadré. Dans le commerce, le prix d’un chariot, sans les poids, débute à une quarantaine d’euros. Ceci étant, je rappelle que dans un premier temps, beaucoup de choses doivent être travaillé en amont comme le gainage global, par exemple, avec le placement du bassin, la proprioception, la pliométrie légère, l’éducatif de course et le travail de vitesse en côte.
À partir de quel âge peut-on s’exercer à la course tractée ?
Quel que soit le travail envisagé, l’important est toujours de respecter la notion de progressivité, d’où l’intérêt de travailler d’abord le gainage, la pliométrie légère, etc. Ensuite, à partir de 15-16 ans, on peut utiliser les chariots à vide, sans charge, pour jouer davantage sur l’aspect éducatif et ludique de cette forme de travail. Toujours est-il que je considère le travail global avec les élastiques comme une bonne prémisse au travail de course lestée, par la suite. Avec deux objectifs : un, renforcer les extenseurs de la hanche, les ischios, quadriceps, fessiers et mollets. Deux, insister sur le placement du bassin. Ne jamais oublier que l’important dans le travail de vitesse est que le joueur exécute l’exercice dans l’idée de produire le plus de force possible et de se déplacer le plus vite.
Quand réaliser ce travail, dans la saison et dans la semaine ? Et selon quel protocole ?
Dans le cadre d’une préparation estivale, l’idéal est de le placer dans l’avant-dernière semaine de votre planification, ce travail étant assimilé à de la Force Vitesse. Ensuite, dans la saison, il est judicieux de le placer en milieu de semaine, après un bon échauffement.
Un exemple de protocole ?
On peut partir sur 2 séquences de 20 mètres entrecoupées de 2 minutes de récupération, suivies d’une deuxième série, après 3 minutes de récupération, de 2 séquences de 30 mètres cette fois-ci, mais toujours entrecoupées de 2 minutes de récupération. Avec des joueurs plus aguerris, on pourra être sur 2 séries de 4x20m (2’30 » de récupération entre chaque séquence).On peut aussi faire varier les distances lestées, et apporter en complément un relâchement de la charge suivi d’une course non-lestée, de façon linéaire ou bien avec des changements de directions. Exemple : 4x10m tractée + 10 mètres libre (récupération 2’30 » entre les séquences). Dans tous les cas, pensez à varier les positions de départs, les starters, les surfaces de contact (pelouse, synthétique…).
Y a-t-il des erreurs à éviter, notamment en termes de charge et/ou de répétitions dans ce type de travail ?
Une charge excessive lors d’un entraînement au sprint avec résistance peut entraîner des changements dans les habitudes de course. Le contrôle de la charge est donc essentiel pour assurer la spécificité. On en revient toujours à la notion de progressivité : utiliser dans un premier temps le chariot à vide, puis ajouter du poids petit à petit.
Article : Vestiaires Magazine N°85 – Préparation Physique : La vitesse tractée – course avec chariot – Novembre – Décembre 2018
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